Critiques

Yann Guillon est un sculpteur français qui vit et travaille à Baden, France.

Après une formation classique aux Beaux Arts de Paris, Yann Guillon oriente son travail sur le corps humain. Son approche est expressionniste pour traduire la puissance et la vie du corps masculin. Pour le corps féminin, son travail se fait moins rude, plus souple, célébrant toute la sensualité et la générosité de celui-ci.

Ses sculptures vont de la petite pièce d’une dizaine de centimètres, aux monumentales de plus de deux mètres. Souvent Yann Guillon, nous livre des fragments de corps qui par le choix du bronze, habillé d’une patine classique, nous renvoie à des sculptures antiques avec leurs qualités d’humanité universelle.

 

Yann Guillon, sculpteur de l’énergie

Critique de Jean-Luc Chalumeau, critique d’Art Contemporain

La deuxième édition du Festival de l’histoire de l’art à Fontainebleau a été une réussite si l’on en juge par la foule des piétons et des voitures qui a envahi les rues de la cité royale et impériale le week-end des 2 et 3 juin. Il y avait de l’ambiance samedi aux alentours du château grâce à une fanfare très germanique (l’Allemagne était le pays invité) dont les musiciens avaient revêtu un costume renaissant d’un réjouissant effet, apparemment inspiré de l’uniforme des gardes pontificaux dessiné par Michel-Ange. Le festival incluait notamment une exposition sur l’art de vivre sous le Second-Empire : c’était le in. Mais il y avait aussi, dans les locaux de l’Académie de dessin de Fontainebleau, une fort intéressante exposition du sculpteur Yann Guillon (6 rue Guérin, jusqu’au 2 juillet) : c’était le off, qui méritait que l’on s’y attarde un peu.

Yann Guillon, 50 ans, est notre contemporain, et cependant ce qu’il fait n’est pas de l’art contemporain selon la terminologie en usage chez les décideurs artistiques. Mes lecteurs savent ce que cela veut dire ; Guillon aussi, mais cela ne le chagrine guère. Il a choisi de travailler dans le champ de la sculpture moderne, où il produit discrètement des œuvres de premier ordre essentiellement orientées vers le traitement de la figure (mais il y a aussi des sculptures abstraites), les unes et les autres inscrites dans une famille dont Henry Moore serait la première référence. Le sculpteur anglais avait dit qu’ « il existe trois positions fondamentales de la figure humaine : debout, assise, étendue. Des trois positions, c’est la position étendue qui laisse le plus de liberté du point de vue de la composition et de l’espace… ». Yann Guillon réalise des figures selon les trois positions, mais celles qui sont étendues ne le sont pas du tout à la manière de Moore, car il opère des synthèses remarquables, par exemple du Rodin de la Danaïde et du Maillol de La Rivière. Le mot synthèse est peut-être mal approprié : les dos des femmes de bronze de Yann Guillon suggèrent en effet une énergie spécifique dont l’origine semble mystérieuse (une petite pièce de 25 cm porte précisément comme titre « énergie féminine », mais les puissantes figures masculines ne sont pas en reste).

Yann Guillon, dans la grande tradition de la statuaire, recourt à des modèles (professeur, il fait travailler ses élèves devant le modèle vivant, ce qui devient rare). J’imagine que, comme Maillol allant chercher une robuste fille de son pays de Banyuls pour son Monument à Blanqui, Guillon demande à ses modèles des qualités particulières pour l’aider à traduire dans la tendre stéatite, le bronze ou le marbre des figures qu’il désignera par un seul mot : un prénom ou une attitude (« Séduction, Rayonnant, Humilité, Orgueil, Fierté, Force, Energie… ») Comme un autre de ses maîtres élus, Antoine Bourdelle, Guillon multiplie les variantes et use même de la répétition en tant que cette dernière permet, comme l’enseignait Bourdelle, de « démêler et reproduire les traits les plus cachés, mais non moins graves et étonnants de la vie. » Tant qu’il y aura des humains, ils seront fascinés par leur propre apparence, et des sculpteurs seront là pour la leur commenter avec émotion, ferveur, admiration. Avec surtout l’audace des artistes : ceux qui, comme Matisse avec son Serf ou Guillon lui-même, sont capables de couper les bras d’une figure pour la rendre plus expressive. Yann Guillon signe des Torses expressionnistes et observe des dos féminins (ceux d’Elsa ou Diane) comme ses grands devanciers, mais décidément avec une touche personnelle qui fait de lui un remarquable interprète des « traits étonnants de la vie »…

Jean-Luc Chalumeau